dimanche 20 mai 2018

Le thermique du Gâtinais

Superbe vol inattendu que j'ai réalisé ce dimanche 20 mai sur la campagne, entre le Gâtinais et la Mayenne.

Prévis a priori peu encourageantes car même s'il y avait du vent (ENE, 20 à 22 km/h en altitude), le plafond ne dépassait pas 1100 m sol, pour atteindre finalement et tout doucement les 1500 m sol en fin de journée.

Décollage vers 14 heures. Déjà, je me suis largué à plus de 1000 m sol (inutile de m'en priver quand je suis le seul deltiste à remorquer), histoire d'avoir un peu de marge si je ratais la première pompe, ce qui fut le cas, sans devoir me rapatrier d'urgence vers le terrain. Et comme le vent travaillait pour moi (sa direction permettait de contourner par le nord les TMA d'Orléans sans trop de dérive vers le sud), autant en profiter.

D'un autre côté, les thermiques étaient souvent hachés, et ceux qui disparaissaient alors que je pensais être correctement centré étaient fréquents. Pour contourner les TMA d'Orléans par le nord depuis Egry, il faut suivre un axe Pithivers, Toury, Voves (ce qui permet aussi d'éviter la zone réglementée R119A en cercle au sud-ouest de Viabon), puis vers l'ouest jusqu'à Illiers-Combray, et si on a pu arriver jusque là, on est tranquille en restant au nord de l'autoroute A11. Cela dit, la grande TMA Orléans 7 n'est active que lorsque la base de Châteaudun est active, et le week end, elle est toujours fermée. Sauf si elle ne l'est pas (activable H24), et sans radio aviation, ni même sans radio tout court, si on peut la contourner, mieux vaut ne pas s'en priver.

Point bas à Voves à 215 m sol, il y avait bien un nuage au-dessus de la ville, mais aucun thermique en dessous (et au vent) de l'agglomération. J'ai croisé la pompe salutaire au-dessus des voies ferrées et des silos plus à l'ouest, en serrant les fesses et en serrant les dents (ça n'a jamais aidé à remonter, mais c'est juste un réflexe naturel quand la tension est dense) ! (sourire).

Second point bas une heure plus tard à 415 m sol une fois l'autoroute franchie, les champs de couleur claire survolés auparavant n'ont rien donné, ou alors la pompe a été bien déportée. Au cours de ce vol et aussi d'autres vols, c'est souvent en acceptant sincèrement l'idée d'un atterrissage proche alors que le ciel est encore pavé de cumulus, qu'il m'est arrivé de croiser le thermique providentiel et de n'avoir plus qu'à l'enrouler.

Après cet épisode, le ciel était "open", et je n'avais plus qu'à choisir les cumulus dans le sens du vent, et tant qu'à faire, en suivant l'autoroute, c'était plus facile pour me repérer (le ciel était assez nébuleux, et ne me permettait pas de voir trop loin, surtout avec le soleil dans les yeux).

Les jolis paysages du Gâtinais, de la Beauce, du Perche, et bientôt de la Sarthe ont défilé tranquillement. Apercevant au loin vers le sud-ouest la grande agglomération du Mans peu après 18 heures, je me suis dit qu'il valait mieux la laisser loin, déjà pour éviter de la traverser, et ensuite pour rester en dehors de la zone d'un éventuel NOTAM protégeant les courses de moto du week end.

A la fin de la journée, les forêts ne restituaient plus trop, mais quand même suffisamment pour me permettre d'allonger le plané final sans trop chuter. Tous les nuages ayant disparu plus à l'ouest, ce fut bientôt l'heure d'atterrir. Dans le secteur, tous les champs n'étaient pas posables : entre les haies, les forêts, les champs de colza ou de blé, les pâturages avec des animaux et d'éventuels barbelés visibles seulement au dernier moment, les champs de terre inclinés pas dans le bon sens, ou avec des sillons mal orientés, pour atterrir face au vent, il valait mieux anticiper pour optimiser les chances de toucher la planète en douceur. A mi chemin entre Le Mans et Laval, près de l'endroit où la nationale croise l'autoroute, j'ai aperçu alors un immense champ d'herbe fraîchement coupée (l'herbe jonchait le champ), le terrain idéal. Dans l'impossibilité, avec le soleil dans les yeux, de distinguer plus à l'ouest la nature des champs, j'ai décidé de faire demi-tour pour aller atterrir dans ce merveilleux champ d'herbe.

Il était environ 19h30. Fatigué, mais heureux ! La température était douce, et le paysage, même au sol, était magnifique. Une fois mon aile déplacée à la lisière pour la replier, j'ai reçu la visite du fermier accompagné de l'une de ses filles, qui m'a appris que nous étions sur la commune de Saint Jean sur Erve, dans la Mayenne. Ce fut le début d'une chance inouïe que j'ai reçue en "cadeau" pour la récupe.

Comme une grosse activité dans le champ était prévue dès le lendemain, le fermier, super sympa, m'a proposé de ranger mon aile dans l'un de ses hangars. Une heure plus tard (il était déjà 21 heures), mon aile était trimbalée sur une petite remorque bourrée de vieux matelas, tandis que je veillais,agenouillé dans la remorque à côté de mon aile, au bon déroulement de l'opération. Je fus ensuite présenté à la famille (la mère, quatre filles, plus le copain de l'une d'elles), qui s'apprêtait à dîner... alors j'ai naturellement été invité à partager leur repas, ce qui tombait bien car j'avais faim, en trinquant au rosé, ce qui tombait bien car j'avais soif ! Je n'en suis pas moins resté confondu devant leur accueil très chaleureux.

Tout en commençant à leur racontant ma journée et comment je suis arrivé là, ce qui a généré beaucoup d'enthousiasme. Ensuite, je me suis quand même inquiété de l'heure de départ du dernier TGV du Mans vers Paris, sans trop savoir comment me rendre à la gareni combien de temps cela prendrait. N'ayant pas de smartphone branché sur le réseau 4G et tout le toutim, tous les jeunes de la famille ont sorti leur instrument favori pour aller à la pêche à l'information. 21h30, il était déjà trop tard, il fallait attendre le lendemain matin.

Le père a suggéré d'aller voir sur blablacar. Aussitôt, tout le monde s'est mis à chercher sur le site de blablacar pour aller ce même soir du Mans à Paris. Bingo ! Une personne proposait une place dans son auto pour aller à Paris même. L'une des jeunes femmes a réservé la place. RdV à 22h30 en un lieu que j'aurais été bien incapable de trouver seul dans la nuit, sans véhicule et sans connaître le coin. Qu'à cela ne tienne, la jeune femme et son copain m'ont emmené dans leur auto (il y en avait bien pour 90 km aller-retour). Après avoir tiré un peu d'argent aux abords du Mans, j'ai prié la jeune femme d'accepter un billet pour couvrir les frais de la réservation, de leur trajet pour m'emmener, et plus encore. Une façon de les remercier pour leur accueil, leur gentillesse, et la confiance qu'ils m'ont accordée (et en plus le lendemain, c'était son anniversaire !). Le couple qui m'a véhiculé ensuite revenait d'une petite virée à la Baule.

Comme mes hôtes étaient curieux, ce fut reparti pour un deuxième service des histoires de vol libre, sans discontinuer jusqu'au péage de Saint Arnould qui est arrivé en un clin d'oeil ! Et puis on s'est inquiété de mon trajet en RER pour rentrer chez moi à Brétigny. Comme leur smartphone indiquait qu'il n'y avait plus de train à leur heure d'arrivée à Paris, ils ont fait un détour par la francilienne pour me déposer à l'entrée de ma commune, et en repartant par la N20. On s'est volontiers échangé nos coordonnées au cas où il souhaiteraient apprendre à voler en delta ou en parapente !

Au final, je fus rentré au logis à minuit un quart, c'était génial ! Courte nuit malgré tout car les beaux souvenirs se bousculaient dans ma tête, qui chauffait également à cause du soleil reçu au visage toute la journée. Le lendemain fut plus tranquille. De retour à mon auto en train en bus en stop et en marche, je me suis enfilé 530 km depuis Egry pour récupérer mon aile et rentrer chez moi, par les petites routes, avec des pauses photo, des pauses dodo, et des pauses tout court, en prenant le temps naturellement d'un brin de causette autour d'un verre chez mes hôtes qui gardaient mon aile.

Ces gens ont vraiment le coeur sur la main, et cela m'a fait bien plaisir de les avoir rencontrés.

La trace de mon vol est disponible à l'adresse : https://delta.ffvl.fr/cfd/liste/2017/vol/20239786 . J'ai parcouru 219 km en 5h28.



Un grand merci à Michel de m'avoir remorqué, car sans lui, mon vol n'aurait pas été possible.

Un parapentiste a également bien tiré son épingle du jeu : il s'agit de Martin Morlet, détenteur du record de distance de vol libre en France depuis eux ans, qui a parcouru 222 km en 6h25 (à partir de second décollage) en traversant le Berry et le Poitou, et qui a pu bénéficier aussi de plafonds plus élevés ( http://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/2017/vol/20239595 ). A l'occasion, je suis curieux de savoir comment s'est passé son vol, comment il a fait pour avoir l'autorisation de traverser toutes les zones, et comment il est rentré chez lui !

Des journées de vol libre comme celle là, ce n'est que du bonheur, ça donne de l'énergie, ça donne l'envie insatiable de recommencer toujours dès qu'une belle journée se représente (et si je ne suis pas trop cuit pour pouvoir en profiter !).

Bons vols à tous.

Frédéric

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire