samedi 30 juin 2018

Cross country dans la chaleur

Bonjour à toutes et à tous !

Les affaires reprennent gentiment.
Comment occuper agréablement son temps pendant ces journées de fortes chaleurs ?!  La plupart des gens prennent leur mal en patience. Pour les familles qui ne disposent pas de l’air conditionné dans leur demeure, certains vont se réfugier au frais dans le sous-sol de leur maison, ou dans une grotte, ou dans les cryptes des églises et des cathédrales, ou sur les sommets des montagnes, ou aux pôles de la planète, ou d’autres s’arrosent au jet d’eau dans leur jardin, ou se baignent dans un lac, ou mieux, à la mer...
Pour ma part, je suis allé me coller sous les nuages pendant cinq heures... Et là haut, à 1800 m sol, dans des barbules, il faisait encore 16°C, et avec la ventilation du vent relatif, il faisait bon, bien qu’il valait tout de même mieux être couvert ! Revers de la médaille, c’est la récupe du lendemain qui était le plus à craindre mais qui finalement, on va dire grâce à la chance, n’a pas été trop dure à supporter.

Samedi 30 juin 2018. Depuis quelques jours, je guettais une belle météo pour aller voler. Environ 30°C ou plus prévus au nord de la Loire... Vent secteur ESE pour 10 km/h à Saint Benoît. Décollage vers 13h30. Contrairement aux prévisions, les cumulus bourgeonnaient déjà dans le ciel depuis midi. Curieusement, William, qui m’avait proposé d’aller au-dessus de Sully, a dû changer d’avis au cours du remorqué, car il m’a emmené loin en direction de la centrale de Gien, à 6 ou 7 km du terrain. Lorsque je me suis largué à l’altitude habituelle de 600 m, on était loin du local terrain, et dès le début de mon vol libre, j’ai dû basculer en mode "urgence alerte point bas"... Etait-ce une facétie de la part de William ? Il m’expliquera le lendemain au téléphone qu’il avait de grosses difficultés à tourner à droite pendant la phase de remorqué, c’est singulier. Pour l’heure, il a fallu faire avec les moyens du bord pour ne pas me retrouver au tas. J’ai mis une demi-heure pour gagner 886 m avant de partir vers le nord-ouest. Cela m’a donné le ton de la journée quant à la qualité convective de la masse d’air : il ne fallait pas en attendre des miracles.

Une fois la forêt d’Orléans traversée, la situation s’est améliorée en arrivant à Pithiviers. Les bonnes pompes ont été au rendez-vous, et avec pour corollaire des plafonds à 2000 m sol, qu’il a fallu réduire à 1869 m sol max (par rapport au terrain de Saint Benoît) en passant sous les TMA qui s’étendent vers l’ouest à perte de vue, ainsi qu’une augmentation substantielle de la vitesse de croisière (voler à plus de 100 km/h air dans les barbules pour éviter de me faire aspirer, ah ça c’est bon, et c’est plus sécurisant que de le faire à moto sur les routes !). L’euphorie a duré ainsi jusque au début du Perche juste après la A11. Ce fut même carrément le point d’Orgue. J’avais repéré cette enfilade de gros nuages à la base bien sombre dans ma direction, on aurait presque dit des congestus. Les puissants thermiques ont eu vite fait de me propulser vers les hauteurs embrumées, dont j’ai pu m’extraire « à tire d’aile », au sens propre du terme. C’est alors que je me suis payé deux cisaillements verticaux, et pas des moindres. Le premier a tenté de basculer mon aile vers l’avant... Aussitôt, j’ai poussé à fond sur la barre de contrôle, mais je pense que l’effet du plan horizontal arrière a été salutaire et aussi plus rapide pour éviter un tumbling... Le second m’a permis d’expérimenter une apesanteur artificielle pendant une fraction de seconde. Mon aile a été littéralement projetée vers le bas, et la ferme tenue de la barre de contrôle m’a protégé pour éviter d’aller me cogner sur la quille et de perdre le contrôle de l’aile... Si le vol plaisir doit dégénérer en rodéo, il vaut mieux laisser le tonnerre aux dieux et s’éclipser sur la pointe des plumes... (sourire).

Donc changement de cap, plus vers ouest-sud-ouest. La masse d’air au-dessus du Perche semblait avoir changé radicalement. Finies les pompes puissantes au-dessus de la Beauce. Bien que les cumulus fussent toujours là, les thermiques étaient mous, comme si la masse d’air était déjà trop chaude et devenait stable. Il a fallu alors jouer de la patience, sous peine de terminer le vol prématurément, en guettant la moindre bulle au-dessus de tout ce qui pouvait créer un contraste thermique dans du zéro à 800 m sol, et en attendant qu’un cycle redémarre et veuille bien me rehausser tranquillement mais sûrement le plus haut possible. Au bout de trois ou quatre tentatives réussies, la convection n’était plus suffisante pour me maintenir en l’air, et j’ai dû sérieusement songer à atterrir. Ce qui fut fait à 18h50 dans un champ moissonné, denrée plutôt rare dans la région, truffée de forêts et de cultures encore hautes (mais le paysage vu d’en haut, notamment la forteresse médiévale à Nogent-le-Rotrou, est certes magnifique). J’ai atterri à 6 ou 7 km au sud-ouest de Mamers. La chaleur de la journée a très vite repris ses droits...

La récupe a été plus standard, avec les aléas qui accroissent les difficultés, et les rencontres providentielles qui les effacent. J’avais dans l’idée d’aller à l’hôtel et de prendre le train le lendemain matin. Les riverains chez qui j’ai laissé mon aile m’ont appris qu’il valait mieux aller à la Ferté-Bernard, c’était encore la ville la plus proche avec une gare et des hôtels. Comme eux-mêmes partaient avant que j’eus fini de replier mon aile, j’ai dû mettre en pratique un exercice que l’homme sait faire de mieux pour se déplacer depuis la préhistoire, en l’occurrence marcher. Mais avec la chaleur, mon sac de 12 kg, et surtout mon problème de genou (qui m’oblige à arrêter la course sur plus de trois mètres ainsi que la randonnée pédestre en montagne, et en vol, je dois régulièrement ouvrir le harnais pour me dégourdir la jambe), ce ne fut pas une promenade divertissante. Au bout de 5 km, mon genou commençait à chauffer, et il fallait vraiment trouver un véhicule qui veuille bien me transporter. Cela a commencé par un tracteur, sur 1 km. C’était déjà ça, mais je n’allais quand même pas bien loin. Sur la route, personne ne s’est arrêté. Bigre ! Les gens sont méfiants, dans la campagne sarthoise profonde. Les seules autres personnes à qui j’ai pu parler furent un couple de cyclistes qui rentraient de leur balade du soir et dont la maison était juste à côté de l’endroit où nous nous trouvions. Finalement, l’homme m’a proposé de m’emmener directement jusqu’à la Ferté Bernard, c’était génial. Il y avait quand même une trentaine de kilomètres. Après un rafraîchissement dans leur maison, j’ai savouré le plaisir d’un voyage dans un grand véhicule climatisé, tout en racontant naturellement mes histoires de vol libre à mes hôtes enchantés. Dans la matinée du lendemain, TER climatisé jusqu’à Paris. Le ciel à la Ferté était déjà bien couvert de cirrus sombres, annonçant des orages dans la région. A Paris, c’était soleil et fournaise, mais le train vers Orléans était lui aussi climatisé. Encore mieux, le tram et les bus dans la ville l’étaient également. Cerise sur le gâteau, j’ai eu le plaisir de papoter avec une jolie américaine au sourire « dents blanches » extraordinaire, qui vient spécialement de l’Arkansas pour étudier le français à Orléans pendant ses vacances (il y a apparemment moins de gens qu’à Paris qui parlent l’anglais dans la rue). De quoi raccourcir le trajet et oublier que j’avais encore mon aile à récupérer !
Et puis la chance m’a souri à nouveau deux fois. La première est un homme qui m’a pris en stop directement jusqu’à Châteauneuf. Habituellement, il prenait toujours la voie rapide pour s’y rendre. Sauf aujourd’hui, où il a eu l’idée d’emprunter la route qui longe la Loire. Allez savoir pourquoi !! La seconde est une femme et son amie qui m’ont emmené ensuite directement jusqu’à la base ulm. J’ai pu leur parler à la faveur d’un stop qui créait une file de voitures quasiment immobilisées. Il se trouve que la femme est originaire de Sully et que son mari rêve de voler un jour en ulm...
Paul Eluard disait : « il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous » ! (sourire).
Trajet paisible vers Mamers dans la campagne par les petites routes, sous l’ombre régulière des bancs de nuage qui atténuaient quelque peu l’effet de la chaleur. Un morceau de chance : il n’y a pas eu de pluie ni de grêle dans le champ où j’ai laissé mon aile. Retour nocturne paisible au logis, non sans être retourné saluer mes hôtes de la veille, et en prenant soin de contourner l’énorme orage qui s’était développé le soir au dessus de l’Eure-et-Loir.

Mon vol a duré 5h19 et j’ai parcouru 192 km ( https://delta.ffvl.fr/cfd/liste/2017/vol/20244197 ). Le vol libre sur la campagne et collé sous les nuages, et les rencontres qui suivent au cours de la récupe, ce n’est que du bonheur  ! Comme disait Michel M., volez !!

Amicalement
Frédéric

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