dimanche 12 mai 2019

Formidable journée de vol libre mais pas pour tout le monde

Mon vol sympathique du 6 mai 2019, et qui me laisse encore tout plein de souvenirs qui se bousculent dans la tête, doit être relativisé au regard de ce qu’il s’est passé six jours plus tard, le dimanche 12 mai. Les sites de prévision n’indiquaient pas une météo particulièrement excellente. Il fallait même s’expatrier en Normandie pour trouver a priori les meilleures conditions. J’ai contacté alors Patrice Ybert pour lui demander s’il pourrait me remorquer à Condé-sur-Noireau. Il m’a répondu qu’il n’est pas encore tout à fait prêt à remorquer cette année, et qu’il ne sera malheureusement pas disponible au début de l’après-midi car lui aussi ira voler en parapente ou en delta, certainement à Saint Marc d’Ouilly compte tenu de l’orientation du vent (du nord-est). En outre, la philosophie dans son club est de privilégier les décollages sur site naturel quand les conditions le permettent, avant d’envisager un départ en remorqué.

Bon, ben alors ce sera l’occasion d’essayer mon Exxtacy dont j’ai refait la quille cet hiver, car si le vent est trop faible ou si je ne parviens pas à trouver rapidement un thermique après le décollage, entraînant un atterrissage en bas de l’autre côté de l’Orne, autant le faire avec l’aile la plus légère et la plus souple à piloter. Avec les quatre heures de route nécessaires et le temps de préparation, je peux espérer décoller au plus tôt vers 14 heures. Toutefois, la vérification de la météo avant de charger mon aile sur la voiture m’apprend que le vent sera inférieur à 10 km/h pendant une bonne partie de l’après-midi. Doute, hésitations, je préviens finalement Patrice pour lui dire que je ne viendrai pas. Il me rappelle en insistant que le vent va se mettre en place dans l’après-midi et que ce sera une bonne journée pour voler en delta. M’étant laissé convaincre par son enthousiasme, je quitte mon domicile en fin de matinée, bien que je ne réalise pas l’énergie et le temps gaspillés pour espérer décoller seulement vers 16 heures ou 17 heures.

Au bout d’une demi-heure de route, je vois que le ciel est magnifique avec des cumulus partout. Me serais-je laissé berner par des prévis erronées ?! Un appel à la base d’Evreux m’apprend que le vent sur la base souffle du 40° pour 8 kt. Et si ça volait à Jeufosse ?! Il est encore temps d’y aller pour ne pas décoller trop tard. Je décide de ne plus aller en Normandie pour tenter ma chance à Jeufosse. Bien m’en a pris, car à mon arrivée, des parapentistes vont et viennent. L’un d’entre eux, qui a décollé tôt, revient déjà d’une récupe pour décoller à nouveau dans la foulée, avant de s’élever et de disparaître sous les nuages. C’est bon signe !

Le temps d’amener mon aile sur le site et de la déplier, tout en papotant un peu avec quelques parapentistes, je suis prêt à décoller vers 15h15. Par chance, comme on est dimanche, des gens sont en promenade et certains acceptent de me tenir l’aile avant de décoller. Finalement, leur aide ne m’est pas nécessaire. Le vent au déco, bien de face, étant moins fort que lors de mon décollage précédent sur ce site en avril 2017, je peux stabiliser seul mon aile. Mon envol est satisfaisant, c’est déjà un bon point par rapport à l’essai de mon aile. Le problème est maintenant de tenir le long de la crête en attendant d’enrouler un thermique. Si le parapentiste qui a décollé juste avant moi parvient à prendre de la hauteur, je reste désespérément en train de faire des allers-retours sans pouvoir enrouler une pompe correctement, c’est déconcertant. En effet, les thermiques semblent relativement étroits, et la nécessité de voler en faisant des « huit » près des arbres me fait sortir régulièrement de la zone montante. Quand je réussis à enrouler un thermique sur quelques tours, cela ne dure pas, la pompe disparaît et je me retrouve à nouveau au ras des arbres… L’aérologie aurait-t-elle changée au cours de l’après-midi, au point que ceux qui ont réussi à décoller tôt ont pu partir sur la campagne, tandis que les autres peinent à atteindre la base des nuages ?!

Las de ce petit jeu dont la hantise est de me retrouver suffisamment bas pour devoir traverser la Seine et atterrir sur l’autre rive, je décide de me laisser déporter par le vent dans le dernier thermique que je serre suffisamment pour tenir dedans et remonter à nouveau, en espérant rattraper une nouvelle bulle au-dessus des habitations de Jeufosse si celle en cours s’évanouit… Sans succès ! La pompe disparaît comme les précédentes, mais cette fois loin de la crête, et tout ce que je trouve est une bonne « dégueulante » qui m’invite à me poser illico dans un grand champ de terre au-delà du village. Mon vol a duré 26 minutes, tandis que les cumulus continuent à défiler majestueusement dans le ciel… Au moins j’ai réussi à me poser derrière le déco sans me faire enterrer sous la crête. Avec le vent qui souffle de plus belle sur cet espace complètement dégagé, le déplacement de mon aile vers un chemin un tant soit peu abrité par des cultures plus hautes tourne à l’épreuve de force… et de patience. Et puis un nouveau parapente prend l’air, peut-être à la faveur d’une accalmie. On reconnaît le pilote à la couleur de la voile : elle, une femme qui en est à sa troisième tentative pour la journée, prend aisément de la hauteur en tournant quasiment sur place. C’est comme si l’axe vertical de sa rotation passait par l’une des extrémités de sa voile, c’est sidérant, et je comprends mieux pourquoi je n’arrivais pas à monter tandis que les parapentes le font sans problème…



Site de Jeufosse, dimanche 12 mai à 15 heures.

Après une longue causerie avec un jeune agriculteur du village venu voir le delta avec ses enfants, et puis une seconde causerie avec le parapentiste qui avait décollé juste avant moi et qui revient déjà de sa récupe, l’heure est venue de retourner au logis, non sans avoir pris également le temps de savourer les couleurs champêtres dans la lumière du soleil déclinant.

Surprise. En allant voir, par curiosité, sur le site de la CFD parapente pour voir si des vols de  distance ont été réalisés, c’est le festival : Jeufosse, Osmoy-Saint-Valéry (76), Saint Marc d’Ouilly (14), Chamery (51)… J’apprends qu’un excellent pilote (Denis Chouraqui), qui avait réalisé début avril un super vol de distance entre Saint Marc d’Ouilly et la région de La-Roche-sur-Yon, a réitéré le record de distance de Jeufosse avec un vol de 346 km, en 8 heures 15, pour atterrir à nouveau près de La-Roche-sur-Yon. C’était donc lui qui avait décollé très tôt, vers 11h20… Son collègue qui lui avait emboîté le pas, que j’ai vu revenir quand je suis arrivé à Jeufosse et qui a redécollé vers 14 heures, a juste parcouru 213 km en un peu plus de 5 heures… Chapeau !!! Ces parapentistes ont flairé la bonne journée, malgré des prévis peu encourageantes (du moins celles que j’ai consultées). En fait, les plafonds n’étaient pas exceptionnels, mais, comme d’habitude pour ce genre de vol, une masse d’air homogène associée à un vent soutenu ont permis à ces pilotes d’exception d’exploiter au mieux les conditions et de réaliser ces belles performances. Pour ma part, j’ai fait une lamentable… contre-performance, par une confiance excessive dans des prévis finalement erronées, un départ très tardif du domicile, un choix du site à la dernière minute, et enfin un pilotage insuffisant pour m’extraire du « bocal ». Il y a des jours où « ce n’est pas le bon jour » ! Cela me rappelle combien il faut pratiquer sur un site avant d’en connaître ses subtilités, et aussi combien le décollage en remorqué pour les deltas est avantageux, en particulier les jours de bonnes conditions. A une autre occasion pour aller voler en Normandie avec un vent de secteur nord-ouest à nord-est, je ne me priverai pas de solliciter Patrice à nouveau pour qu’on décolle vers midi en remorqué. Cela devrait lui laisser ensuite tout l’après-midi pour aller voler où bon lui semble !

Mais la surprise n’est pas terminée ! Le lendemain, on peut lire, toujours sur le site de la CFD parapente, qu’un autre parapentiste (Frédéric Delbos) a battu le record de distance en vol libre en France, avec un vol de 422 km en près de 10 heures au départ de Chamery, et en se posant dans le parc de Millevaches en Limousin. Hallucinant ! Il précise que les TMA et la CTR d’Avord étaient inactives pour pouvoir les traverser sans problème, la bonne affaire ! Du point de vue de la météo et des espaces aériens, toutes les conditions étaient donc réunies pour je puisse aussi tenter ma chance au départ d’Egry… Martin Morlet, ancien détenteur du record de distance en vol libre en France, n’a pas volé ce jour là. Je n’ai pas osé lui demander pourquoi. Peut-être n’était-il pas disponible. Ou peut-être s’était-il lui aussi laissé abuser par des prévis erronées, comme la rumeur qui circulait à Jeufosse me l’a laissé entendre.

Sur le site parapente de la FFVL, on peut lire :
« Nouveau  record de France de Distance : 422 km »
« La plaine était en feu ce dimanche 12 mai :
Frédéric Delbos (équipe de Ligue CFD PIDF) prend le record de France à Martin Morlet (414 km) avec un superbe vol de 422 km (sans point de contournement) depuis Chamery, près de Reims.
Pas moins de 22 vols de plus de 100 km ont été déclarés au départ de Chamery, Osmoy-Saint-Valéry, Jeufosse, Saint Marc d’Ouilly, et Beauraing (Belgique, Wim Verhoeve, 401 km).

Une journée formidable qui devrait rester longtemps dans les mémoires !

Frédéric

(NDLR  ce 12 mai, certains visitaient Tirana sous la pluie....)

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