Dans
le festival de vols sur la campagne et de records en parapente, en ulm (*) et
en swift réunis en ce samedi 11 juillet 2020, une petite place m’a été
accordée, « j’y étais » ! Et plus particulièrement dans le fin fond
de la Lorraine, juste au sud du Luxembourg : https://delta.ffvl.fr/cfd/liste/2019/vol/20287239
(*)
Pour les non initiés, il s’agit d’un record mondial de distance en ulm
pendulaire monoplace sans escale, les deux pilotes ayant parcourus 906 km en 12
heures en traversant la France du nord au sud avec seulement 42 litres
d’essence chacun (75,5 km/h en moyenne, 3,5 L / heure, et 4,64 L / 100 km).
Les
prévis météo indiquaient que la meilleure région pour voler en libre sur la
campagne ce jour là était en Lorraine, et ça tombait bien parce qu’un pilote
d’ulm de cette région était disponible pour me remorquer (ce qui est rare
et précieux !), en l’occurrence Pascal Lanser, ancien membre de l’équipe de
France de delta, aujourd’hui président de l’ADPUL ( http://www.ultralight-glider.fr/fr/adpul-association-pour-le-developpement-du-planeur-ultra-leger/
), et toujours grand amateur de distances sur la campagne en vol libre.
La
seule condition sine-qua-non était de décoller à midi, car Pascal avait aussi
l’intention de profiter de la journée à bord de son swift light motorisé
électrique, juste après m’avoir remorqué, accompagné par un autre pilote de
swift identique venant du Luxembourg. Pour honorer cet impératif, compte tenu
du temps de trajet plus celui de monter mon aile plus un peu de marge pour
pallier les aléas, j’ai dû partir du logis à 6 heures du matin... (je me suis
fait violence, mais la cause était entendue).
La
suite de la journée... des cumulus partout dès 10h30, même carrément des
étalements entre midi et 15 heures, un vent faible à modéré du NNO (dont
l’influence en l’air sur la dérive se faisait
bien sentir), des plafonds à 1800 m QNH qui sont montés jusqu’à
2300 m QNH (sauf au tout début du vol pour éviter de tamponner dans la TMA
Lorraine 2 à 5500 ft QNH), quelques point bas aussi, car, comme Pascal le
confirmera, les nuages étaient « loin » et il fallait souvent
traverser de « grands » espaces avant d’atteindre la zone du
thermique suivant (ce qui veut pas dire que celui-ci était servi sur un
plateau, il fallait souvent tricoter dans le secteur au prix d’une perte accrue
d’altitude avant de trouver l’ascenseur).
Un
vol exceptionnel, tant pour la distance parcourue (mon premier triangle FAI de
200 km), pour la durée (8h20... mon record un peu fou), pour la beauté sublime
des paysages (alternance de collines et de vallées, des champs, des villages,
des étangs, des cours d’eau et surtout une multitude de forêts plus ou moins
grandes, très utiles pour la restitution en fin de journée), pour la bagarre et
la ténacité face à des éléments qui me désorientaient (pas de repères connus au
sol, puisque la région vue d’en haut était en cours de découverte, impossible
de m’orienter autrement que par mes instruments), ou qui oeuvraient à me clouer
au sol (la recherche laborieuse et tendue d’un thermique à basse altitude
et la fréquente composante de face du vent au cours du cheminement), ou qui
généraient un certain inconfort (le froid en altitude au bout d’un certain
temps, mine de rien, le rangement dans le harnais à mi-parcours de mes lunettes
de protection et de vue qui ne tenaient plus sous le casque, exposant la cornée
des yeux, qui avait alors bien du mal à rester humide, au vent relatif et aux
éventuels insectes, et sans oublier les traditionnelles et inévitables
courbatures à la nuque et aux épaules au cours d’un vol long), et enfin pour la
chance qui m’a accompagnée au cours de cette belle journée lorsqu’un thermique
à basse altitude se présentait et que j’enroulais joyeusement alors que je
pensais vraiment la fin du vol imminente (dans ces cas là, je vise toujours un
endroit au sol où le contraste thermique me semble le plus favorable pour
générer une pompe, mais l’assurance de l’enrouler, notamment d’arriver au bon
moment du cycle, n’est jamais garantie).
Dans
la première branche du parcours, pour optimiser justement le gain de hauteur,
il m’arrivait régulièrement de « monter » un peu dans le nuage en
ligne droite tout en essayant de garder un contact visuel avec le sol. A un
moment, cela a été plutôt contre-productif, car le nuage m’ayant un peu
« aspiré », je ne voyais plus le sol, et je suis sorti complètement à
l’ouest, c’est-à-dire dans une direction erronée par rapport au cheminement
prévu, qui lui était justement dirigé vers l’ouest.
Comme
c’était ma première découverte aérienne de la région, je n’avais aucun point de
repère visuel connu au sol, notamment pour m’indiquer les points cardinaux en
dehors de la position du soleil. Le compas électronique de mon GPS Compéo et
l’appli SDVFR sur le smartphone de Jean - tant qu’elle fonctionnait, l’appareil
s’éteint au bout de quatre heures - ont été salutaires pour m’indiquer le cap à
suivre. J’ai juste pu identifier la vallée de la Meuse, la forêt de Woevre à
l’est, la grande forêt d’Argonne à l’ouest, la ville de Verdun et l’autoroute
au sud, ainsi que le lac du Der très loin vers le sud à mon second point de
virage, et c’est seulement au cours de la troisième branche du vol que les
cheminées d’une centrale nucléaire, dont le nom m’échappait, et leurs panaches
de vapeur d’eau au loin, me semblait bien placées pour caler un point fixe vers
lequel je devais me diriger pour espérer rentrer au terrain, que je n’ai
finalement pas atteint.
Une
seule erreur de stratégie : avoir écouté les conseils de Pascal, qui, étant
dans son fief, m’avait suggéré un parcours tranquille vers l’ouest jusqu’aux
collines avant la Meuse, de poursuivre de la même distance vers le sud avant de
rentrer en diagonale (ce qui devait tout de même avoisiner les 150 km), et qui,
en tant que pilote bien plus expérimenté que moi, soutenait fermement qu’un vol
en triangle se démarre en ayant une composante de vent de face, les nuages
étant supposés assez proches, que la composante vent arrière est à exploiter au
cours de la branche principale, et que pour le retour, les plafonds auront
monté suffisamment pour compenser la dérive qui éloigne du terrain. Depuis
toujours, même lorsque je pratiquais le vol à voile durant mes vacances d’été
estudiantines, on me disait le contraire : partir à midi avec une composante
arrière, deuxième et troisième branches du triangle avec une composante de face
ou vent de travers, et retour au terrain par vent arrière qui pousse et
rapproche vers le terrain quand les thermiques de fin de journée faiblissent et
se raréfient. Mis à part augmenter la difficulté du parcours (et du temps de
vol), je n’ai finalement pas compris l’intérêt du sens choisi par Pascal. La
prochaine fois, je reviendrai à mes propres fondamentaux, même s’ils sont
différents ! Car d’après la trace de mon vol, seuls 31 % de la distance
(et 23 % de la durée) ont été parcourus avec une composante du vent
de secteur arrière par rapport à mon cheminement, ce qui est quand même plutôt
faible et peut paraître aberrant.
Cette
journée de vol a néanmoins été formidable et fantastique, c’est bien
l’essentiel. C’était une belle aventure, que j’ai découverte les yeux grands
ouverts (avec et sans lunettes) du début jusqu'à la fin sans jamais savoir à
quoi m’attendre à l’avance et en prenant les choses telles qu’elles venaient.
Une tornade de bonheur dans les neurones ! De quoi alimenter les beaux
souvenirs pendant longtemps !
Pascal
aussi a réalisé un très beau vol (en swift) : un triangle FAI de 242 km en
5h30, bravo ! ( https://delta.ffvl.fr/cfd/liste/vol/20286684
). Quand je lui ai téléphoné après mon atterrissage à 20h40 pour lui donner de
mes nouvelles, il était rentré chez lui en Moselle depuis déjà deux heures !
Mais
la journée a aussi été un tantinet éprouvante. En action depuis 6 heures du
matin, quatre heures de route, huit heures de vol, départ du champ à la tombée
de la nuit une fois mon aile repliée et cachée dans la haie au bord du champ,
retour au terrain en marchant et en stop nocturne (moyennant finance !) pour
récupérer mon auto, nuit trop courte et en dentelle dans un hôtel confortable à
Longwy mais avec un visage qui chauffait et des souvenirs qui se bousculaient,
le lendemain, j’étais juste un peu « explosé », mon corps était
fatigué. Bien que la journée du lendemain fut belle pour voler à nouveau avec
des beaux cumulus comme on les aime (certes moins nombreux que la veille, et
avec un vent d’est plus soutenu), j’ai préférer renoncer à solliciter Pascal,
qui était à nouveau au terrain avec un élève (il est aussi instructeur en ulm 3
axes), et qui pouvait donc me remorquer à nouveau, toujours avant midi, même
s’il ne volait pas ensuite dans son swift, pour rentrer tranquillement vers ma
contrée francilienne par les petites routes en admirant les paysages par la
voie terrestre, effleurer quelques visites culturelles rapides (sites
incontournables de la bataille de Verdun, admirés d’en haut la veille), et
m’arrêter aussi souvent que nécessaire pour des pauses dodo indispensables.
Dans
les jours qui ont suivi, j’ai accusé un gros coup de fatigue, il m’a fallu deux
ou trois jours pour me remettre de cette escapade, et pendant ce temps, un
problème récent de santé que je croyais guéri mais qui couvait encore en a
profité pour ressurgir et m’empoisonner royalement la vie. J’ai alors ressorti
toute ma panoplie médicinale pour activer la guérison, qui, en principe, s’étend
sur une semaine. Cet épilogue inattendu semble m’indiquer que mon corps
commence à atteindre les limites de ce qu’il peut supporter en terme de
fatigue. C’est un signal tout sauf anodin, qui m’invite à modifier à nouveau
certaines de mes habitudes, pour pouvoir continuer à voler haut et loin et en
bonne santé quand les conditions sont fumantes, si Dame Nature le permet !
Ci-jointes
quelques photos d’illustrations de la journée, prises au cours des trajets aller
et retour, mais hélas pas en l’air, sauf quand je volerai à bord de mon propre
swift ! (dont le coût prohibitif reporte cette éventualité aux calendes
grecques, mais elle n’est pas impossible). En guise de compensation, ci-jointe une
photo aérienne d’un pilote d’aile rigide qui a volé le 14 juillet à Couhé (86)
et qui était collé au plafond apparemment
à 2000 m lors de la prise de vue.
Frédéric
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