samedi 29 avril 2017

Rencontre à Loulappe

Récit de vol du Samedi 29 avril 2017
Un ciel de traîne s’installe au nord de la Loire entre deux perturbations, l’une de la veille, et l’autre à venir le lendemain. Une fois n’est pas coutume, le vent est plutôt du secteur sud-est, ce qui m’invite à surveiller la météo sur le site de Saint Martin sur Armançon. Le vent annoncé étant finalement trop faible dans l’Yonne, je me rapatrie vers Egry, où Michel est toujours enthousiaste pour me remorquer. Au terrain, il se trouve que le vent n’est pas si faible que cela, à vue d’oeil entre 10 et 15 km/h, et que les rafales, probablement dues aux thermiques naissants, sont quand même bien soutenues. Décollage en chariot dans une accalmie vers 13h40, après un vol exploratoire de Michel en ulm (c’est un rituel !), qui m’annonce une base des nuages à 1200 m. La première pompe n’est pas extraordinaire, et je la quitte avant d’atteindre le nuage, pour filer vers des nuages plus gros qui se dessinent au nord-ouest. Le premier est un leurre, aucun thermique. Premier point bas à 500 m sol sous le second, où le thermique recherché se présente enfin. D’abord timide pendant quelques minutes, il prend soudain de la puissance pour m’emmener rapidement jusqu’à la base du nuage à plus de 1300 m. La dérive étant relativement importante, je décide d’abandonner l’idée d’un triangle pour filer à nouveau dans le sens du vent et tenter une distance vers la Normandie. Cependant, il faut rester prudent, car la masse d’air et le sol étant relativement humides (il a plu la veille, et le matin à Egry, il y avait une bonne épaisseur de brume), les cumulus « hongrois » peuvent être de la partie. Une fois sorti des barbules en direction de Pithiviers, j’ai le plaisir de survoler et d’admirer la forteresse médiévale de Yèvre-le-Châtel. Puis c’est au tour du centre ville de Pithiviers, notamment en spiralant dans un thermique qui me propulse à nouveau dans les barbules. Plus loin vers le nord-ouest, finie la rigolade. Les thermiques sont mous, déconcertants, et les nuages sont trompeurs. Les endroits ensoleillés au sol pouvant créer des contrastes thermiques (villages, champs de terre de couleur claire) sont inopérants, et la baisse de mon altitude devient inquiétante. A 700 m sol, une pompe un peu plus régulière m’enveloppe dans un coin sans nuage… Mes repères sont balayés. En fait, un petit nuage se forme quelques minutes plus tard, et disparaît rapidement. Des étalements se forment dans le ciel, ce n’est pas bon signe. Même les planeurs quittent ce secteur. Qu’à cela ne tienne, tant que je ne suis pas posé, il faut continuer à avancer et à chercher des thermiques. Les choses s’améliorent avant de survoler la N20 puis la A10, où la base du nuage s’élève à 1500 m sol. J’ai même le plaisir d’apercevoir une buse qui balise la pompe, et qui me double allègrement. Après, c’est à nouveau la morosité sous des nuages qui s’étalent de plus en plus. Je saute de pompouillette en pompouillette sans vraiment gagner de la hauteur. A la faveur d’une éclaircie autour de Boisville-la-Saint-Père, un dernier thermique digne de ce nom me remonte à 1400 m. Un clin d’œil en passant vers Aigneville, d’où il me reste de nombreux souvenirs de vol libre. Ensuite, sous les étalements, trouver des thermiques devient quelque peu aléatoire. En l’absence de forêt pour restituer la chaleur quand il n’y a plus d’ensoleillement, il faut survoler les champs de maïs ou les champs de colza. Les seconds étant nombreux dans la région, j’ai une chance de rester en l’air encore un peu, pour autant que le vent, qui s’est renforcé, ne hache pas trop les courants ascendants. En abordant la jolie vallée de l’Eure, qui serpente entre quelques étangs, entourée de verdure, et jalonnée de quelques villages, un ultime thermique me permet de gagner à peine 100 m, et puis après c’est fini. Atterrissage dans un champ de terre au sud de la rivière (pour plus de discrétion par rapport à la route à grande circulation qui passe juste au nord), entre la rangée d’arbres et une petite ligne électrique parallèle au cours d’eau, non loin d’une ferme où j’espère mettre mon aile à l’abri en cas de pluie avant la récupe. Il est bientôt 16h15. Le vent souffle, et le ciel est complètement couvert.

La chance me sourit à nouveau lorsque, juste après le transport mon aile sur le chemin à côté du champ pour la replier, un homme et deux de ses enfants arrivent en 4x4 à ma rencontre. Ils n’ont jamais vu de delta et sont émerveillés en découvrant mon aile. Ils veulent tout savoir en se demandant comment ça vole et comment j’ai pu voler jusqu’ici ! Naturellement, c’est avec grand plaisir que je réponds à leurs questions. Devançant mes pensées, l’homme me propose carrément d’aller chercher sa grande remorque de 5 m de long pour mettre mon aile dans sa ferme à l’abri des intempéries. J’accepte bien volontiers, à condition de placer quelque chose entre mon aile et la remorque pour amortir les secousses. De grands sacs en plastique épais feront l’affaire. Trois quarts d’heure plus tard, l’équipe revient avec tout le matériel. Mais il faut se dépêcher, car ils doivent aller à la messe à 18 heures (dans la seule église plantée au milieu des champs, c’est insolite), et la maîtresse de maison a rappelé qu’ils ont aussi organisé un buffet après l’office. La remorque est immense. Outre les céréales, qui constituent l’essentiel de leurs revenus, ils cultivent également des sapins de Noël (il faut attendre sept ans avant de les couper), et les transportent grâce à cette remorque. Une fois celle-ci rangée sous un grand passage couvert de leur ferme avec mon aile dedans, ils me déposent sur la route vers Courville-sur-Eure, où s’arrêtent des trains allant directement à Paris. En moins d’une heure de marche à un rythme soutenu, je suis rendu à la gare, où des gens attendent justement le prochain train vers Paris. J’apprends que celui-ci est très en retard, ce qui me laisse donc encore une chance de monter dedans après l’achat du billet. Une fois installé confortablement dans une rame, l’idée me vient que si le train a eu une demi-heure de retard, c’était pour m’attendre, c’était pour me permettre de l’attraper après mon effort pédestre et de rentrer au logis pas trop tard ! Le lendemain matin, après une bonne bière, une bonne douche, et une courte nuit, le RER m’emmène à Etampes où j’attrape un bus (avec un horaire unique le dimanche matin à 9h20), qui me conduit au centre ville de Pithiviers. Parmi les agglomérations autour d’Egry desservies par des transports en commun, Pithiviers est la plus proche (17 km), devant Malesherbes (24 km) et Montargis (30 km). En quatre voitures (de préférence interceptées à un feu rouge, sinon le stop fonctionne difficilement) et un peu de marche, je suis rendu à mon auto vers 11h30. Le ciel est clair, le vent du sud-est s’est renforcé, et on aperçoit au loin vers le sud-ouest les prémices de la perturbation qui arrive. Retour paisible chez le fermier, ponctué d’une pause dodo sous un déluge tant attendu par les agriculteurs. Quand mon aile est enfin attachée sur le toit de mon auto, la pluie a cessé, et en évitant de rouler trop vite vers mon logis à l’est où l’orage s’est décalé, il y a des chances que l’aile reste sèche au cours du trajet. Avant de partir, je vais saluer mon hôte pour le remercier, et il m’invite à entrer dans sa maison. En plein déjeuner dominical avec des amis, ils sont ravis d’accueillir un adepte du vol libre. Ils veulent en apprendre davantage sur la pratique de cette activité qui les impressionne et qui fait rêver le chef de famille. Alors, devant un auditoire conquis, c’est avec grand plaisir que je leur raconte certaines de mes histoires qui les tiennent en halène et qui font grandir à la fois leur enthousiasme et leur appréhension. Au bout d’un certain temps, ne souhaitant pas abuser de leur gentillesse, je prends congé en les laissant terminer leur repas. L’accueil de ces gens a été formidable, c’est génial de faire de telles rencontres dans le cadre du vol libre. Retour au logis juste avant la pluie qui durera toute la nuit. La distance parcourue entre Egry, la gare d’Auxy et Loulappe, lieu de mon atterrissage, s’élève à 101 km. La route est longue pour atteindre la Normandie, mais j’espère avoir l’opportunité un jour de me poser non loin du lieu de villégiature de notre cher et dévoué président (du DPCNP) et de déguster quelques bols de cidre avec lui, quoique qu’il me faudra tout de même soulever discrètement un coin de la TMA de Deauville pour me glisser en dessous ! Encore une belle journée de vol libre, des beaux souvenirs, et l’envie toujours plus folle de recommencer et d’aller plus loin !

Frédéric

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