vendredi 12 juillet 2019

Même pas peur

Les prévis s’annonçaient bonnes, quoi qu’un peu limite basse, pour aller voler en bord de mer à Octeville (vent ONO 20 km/h, devant se renforcer dans l’après-midi). Michel M, qui adore ce genre de vol (et aussi les moules frites au Havre le soir au coucher de soleil), était très enthousiaste et il a motivé les troupes pour qu’on soit plusieurs deltistes à voler ensemble sur ce site.

J’ai décidé de faire partie de l’équipe (plus on est de fous, plus on rit !), en demandant également à Michel s’il serait disponible pour me remorquer à Egry le lendemain, le samedi 13 juillet, car une journée « canon » se profilait. Michel, qui était arrivé à Octeville la veille sans pouvoir voler en raison d’un vent trop faible, et qui en avait profité pour savourer une baignade très agréable à Antifer dans une eau à environ 22°C, était donc présent le vendredi matin pour constater que le ciel était couvert, que quelques gouttes tombaient, et que le vent au déco était encore trop faible. Même avec l’arrivée du soleil, le vent avait à peine forci.

Finalement, ce n’était pas le bon jour pour aller voler à Octeville, mais ça, on ne l’a su qu’à la fin de la journée. Entre temps, Clément C et sa compagne, accompagnés d’une deltiste, Alexandra, sont arrivés sur le site qu’ils ne connaissaient pas. J’ai rejoint ce beau monde au début de l’après-midi. Nous étions donc quatre deltistes à attendre que Eole se réveille un peu et souffle un tantinet plus fort…

Extrait du compte rendu de Michel : « Ce n’est que vers 17 heures que le vent a forci très progressivement. Fred a décollé mais la faiblesse du vent ne lui a pas permis de monter suffisamment haut au-dessus de la crête et il s’est posé rapidement sur la crête, un peu dans les rouleaux (mais le vent étant faible, les rouleaux n’étaient pas trop turbulents). »

Effectivement, au mieux, je suis monté à 50 m par rapport au déco, puis le vent a faibli, ramenant ma hauteur au-dessus de la crête à 30 m maximum. Au bout de 5 km, j’ai fait demi-tour, en me traînant toujours à la même altitude passablement basse. J’ai pris la décision de me poser avant de ne plus pouvoir le faire en relative sécurité. Car passer sous la ligne de la crête aurait été catastrophique, sans assurance que le vent ne se renforce à nouveau, et sachant que la marée en bas était quasiment haute... Il y avait un champ de blé moissonné au bord de la crête qui pouvait faire l’affaire, mais il était encore assez loin du déco. Le grand champ juste à droite du déco en regardant la mer aurait été parfait, mais il y avait des vaches qui broutaient dedans... Le parking à gauche du déco ne convenait pas, bien qu’il n’y eût pas trop de voitures, car je me méfiais des rouleaux générés par les arbres environnants si je devais passer au-dessus en approche. Il ne restait plus que le champ de betteraves juste après, assez long et large, mais parallèle à la crête et jouxtant celle-ci. Au-delà, vers l’aéroport, un champ de blé était en cours de moissonnage.

A 25 m au-dessus du déco, je devais agir très rapidement. Mon atterrissage a été un atterrissage d’urgence.

Je me suis laissé déporter en arrière pour aligner le champ en biais et avoir une petite composante de vent de face, en évitant de me retrouver au bord de la crête sans avoir touché le sol... Dans les rouleaux, même s’ils étaient faibles, ça secouait, tandis que le champ s’effaçait peu à peu. Finalement, j’ai touché le sol dans la bande de 10 m de large de la partie moissonnée du champ de blé suivant, en contrant au maximum les effets du vent de travers turbulent. Aucun dommage, ni corporel, ni matériel, mais ma petite opération « rodéo » a refroidi tout le reste de la troupe. Ils sont venus m’aider à déplacer mon aile sur un espace d’herbe assez large pour pouvoir la replier tranquillement. Mon vol a duré 15 mn, entre 18h30 et 18h45.

Clément commençait à bouillir d’énervement, pris en étau entre son désir de voler accentué par les efforts de temps et de conduite qu’il a dû mettre en oeuvre pour être là ce jour, et sa méconnaissance du site, son inexpérience dans ces conditions, en attendant vainement que le vent se renforce... Je suis reparti vers l’IdF sans rester dîner avec eux, car il était déjà tard, une belle journée se profilait le lendemain à Egry, et je voulais être relativement en forme pour en profiter.

A posteriori, les réflexions suivantes me sont venues : quand on aime, on n’a pas peur, on y va. Quand on est détendu et quand on sent bien les choses, on n’a pas peur, on y va. La peur est une création du mental qui sonne comme une alarme et qui peut aussi nous faire perdre nos moyens si on se laisse envahir. En cas de doute, si on hésite, si on a peur, alors cela signifie que tous les paramètres ne sont pas au vert, et il est dans ce cas préférable de s’abstenir de voler, de renoncer, pour mieux analyser et comprendre ce qui ne va pas ou pour attendre des conditions météo plus favorables. Si un pilote est déjà sur les nerfs avant de décoller, alors mieux vaut pour lui qu’il cherche à se calmer avant d’envisager autre chose. Le vol libre n’est jamais qu’un loisir qui ne relève d’aucun enjeu. Le plus important est encore de rester en vie et en bonne santé, même si la journée doit nous passer sous le nez malgré les efforts déployés pour être prêt à décoller. Je dirais même que ce genre de contingence fait partie du jeu, et qu’il faut l’accepter pour le dépasser. Cela dit, la nature est bien faite, car elle nous offre toujours de nouvelles situations pour rebondir quand on a trébuché quelque part, pour autant qu’on veuille bien saisir à nouveau l’occasion qui se présente, mais c’est une autre histoire.

Fin du compte rendu de Michel : « Vers 20 heures, c’était presque parfait, mais étant un peu fatigués (physiquement et psychologiquement, surtout moi), nous n’avons pas volé. Nous nous sommes retrouvés à quatre, sans Fred, à la brasserie Georges pour une soirée infiniment agréable... Surtout ne pas se décourager et à refaire absolument ! Je suis arrivé chez moi à Gif à 2h45 ! Le lendemain, j’ai remorqué Fred à Egry dans un magnifique ciel de cumulus fortement agité, avec un bon vent du NNE. J’ai reçu le soir le sms contenant : « ... 220 km vers le sud en 5 h 30. Journée extraordinaire ! Récit à venir »
A la (très) prochaine fois. »

Michel et Frédéric

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